Édition du vendredi 28 novembre 2003
Foulard islamique dans la fonction publique : la cour administrative d'appel de Lyon estime que le port du foulard est par principe contraire à l'obligation de neutralité d'un agent public
La Cour administrative dappel de Lyon a annulé jeudi une sanction contre une fonctionnaire exclue temporairement pour port d'un foulard islamique, estimant que cette sanction n'était "pas correctement motivée". Mais elle a assorti cette décision de considérants très nuancés qui ne clarifient que peu la situation.
A Lyon, le 8 juillet dernier, le tribunal administratif avait rejeté les recours de Mlle Ben Abdallah, contrôleur du travail dans les transports, qui demandait l'annulation de sanctions prises par les ministères des Affaires sociales et des Transports, ses autorités conjointes.
"L'autorité disciplinaire" s'est "bornée" à indiquer que Nadjet Ben Abdallah avait "mis gravement en cause le principe de laïcité de l'Etat et de neutralité de ses services", sans préciser "les éléments de fait" qui dans son attitude ou son comportement compromettaient cette laïcité, a estimé la Cour administrative d'appel de Lyon.
"C'est une femme à qui on ne reproche rien d'autre que de porter le foulard", a déclaré son avocat, Me Gilles Devers, ajoutant qu'il prendrait rendez-vous auprès de l'administration dès jeudi soir, pour organiser le retour de sa cliente dans la fonction publique.
A la suite d'injonctions répétées de sa hiérarchie, la jeune femme, qui refusait de retirer le foulard lui recouvrant entièrement la chevelure, avait fait l'objet d'une procédure pour "faute disciplinaire". Ensuiite elle a été suspendue de ses fonctions le 25 janvier 2002 et s'est vue infliger une exclusion de 15 jours avec sursis le 30 mai 2002, deux sanctions qu'elle avait contestées devant le tribunal administratif (TA). Le TA avait rejeté ses recours.
La Cour a par ailleurs estimé, dans ses attendus, qu'en portant un signe religieux Melle Ben Abdallah avait manqué à l'obligation de neutralité d'un agent public. Qu'elle avait donc commis une faute "grave" "contraire à l'honneur professionnel", car elle avait de plus refusé "de façon réitérée" d'obéir en enlevant ce foulard.
La gravité de cette faute n'entre pas, selon les juges, dans le champ d'application de la loi d'amnistie de 2002, contrairement à ce qu'avait estimé le commissaire du gouvernement, le 19 novembre dernier.
"La Cour prend l'option de dire que le port du foulard est par principe contraire à l'obligation de neutralité d'un agent public", a également relevé Me Devers. Pour l'avocat, les juges ont opté pour une interprétation stricte de la laïcité, fidèle à un arrêt du conseil d'Etat se prononçant contre l'interdiction de principe de tout signe religieux (Arrêt Marteaux du 20 mai 2000).
Les juges, selon l'avocat, n'ont pas souhaité s'inspirer d'une jurisprudence plus souple de la Cour européenne des droits de l'Homme, pour qui l'obligation de neutralité d'un fonctionnaire doit être évaluée au cas par cas, en fonction de ses missions (Arrêt Dahlab 15 février 2001).
Recrutée en 1999, Nadjet Ben Abdallah avait décidé à l'automne 2001, par conviction personnelle et "sûrement pas par prosélytisme religieux" selon ses déclarations à la presse, de se présenter à son travail la tête revêtue d'un foulard. Cette fonctionnaire, qui avait encore réintégré son travail voilée après ces premières mesures, a fait l'objet le 7 juillet d'une suspension d'un an sans salaire, sanction qui fait l'objet d'un autre recours devant le tribunal administratif.c=http:
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